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Journal | Août 2020

 
  • jeudi 6,
Terremer | Les Tombeaux d'Atuan
Terremer | Les Tombeaux d’Atuan

Les Tombeaux d’Atuan, roman d’Ursula Le Guin, 1971, 2018 pour la présente édition intégrale, dans la traduction de Philippe R. Hupp et Françoise Maillet, harmonisée par Patrick Dusoulier

Continuer le cheminement dans ma découverte d’Ursula Le Guin et de Terremer, avant d’attaquer La main gauche de la nuit et Les dépossédés, qui me font de longue date bien envie...
... Et me retrouver sans l’avoir recherché à errer dans un labyrinthe, symbole psychique certes assez souvent utilisé dans la littérature, mais revêtant pour moi un sens additionnel particulier. C’est donc dans cet état d’esprit que j’ai continué la découverte, dans un univers beaucoup plus sombre, vous l’aurez compris, accompagnée par une écriture beaucoup plus immersive (et une langue superbe), s’adressant sans doute à un public plus mature, à moins que ce ton fasse suite à la délicate réflexion de l’auteure sur les enjeux et écueils induits par l’écriture « jeunesse ». Continuant à rompre avec les canons de l’époque, un récit en outre exemplaire sur la complémentarité des personnages dans leurs différences, chose qui tend encore parfois à s’oublier aujourd’hui.
Pas envie donc de m’arrêter là, autant finir la première trilogie... =)

 

 
  • dimanche 9, terraformation
On Mars
On Mars

On Mars, jeu de société de Vital Lacerda (orfèvrerie) et Ian O’Toole (illus), 2019, Eagle Gryphon Games

Attention gros jeu ! D’aspect extérieur très beau, mais avec un pelage dense et des dents acérées, l’apprivoiser demandera un investissement de quelques heures tout de même. Mais quel plaisir !!! Encore un cran au-dessus de The gallerist ou de CO2 : Second Chance, la complexité réside toujours non dans la difficulté d’abord mais dans la multitude des paramètres qu’il faut apprendre à maîtriser et la profondeur que cette multitude engendre. Les mécaniques de ce jeu de développement sont sublimes et incroyablement thématiques, ce qui facilite grandement leur prise en main et mémorisation puisque tout se met en place de façon assez logique, entre les actions préparatoires qu’il faudra accomplir en orbite (approvisionnement, étude des plans, acquisition de nouvelles connaissances, recherche et développement), et celles qui permettront de mettre en place la colonie sur Mars (construction des bâtiments, améliorations, minage, etc...), sans oublier les actions secondaires, dites exécutives, récurrentes dans les univers développés par Lacerda, qui ajoutent encore de la profondeur au jeu. Les parties, bien qu’assez longues, finissent beaucoup trop vite pour accomplir tout ce que l’on souhaitait, laissant ce léger sentiment de frustration (de bon aloi) qui motive à repartir pour une nouvelle partie (pour peu qu’on ait encore quelques heures devant soi...). Un goût de reviens-y porté par une excellente rejouabilité dans la mesure où l’arrangement de la multitude de paramètres aboutit nécessairement à un potentiel de stratégies envisageables assez énorme (et jouissif, si si !). Pose d’ouvriers, gestion de ressources, bon timing, objectifs individuels et j’en passe... Le seul éventuel défaut résiderait peut-être dans le faible niveau d’interaction avec les autres joueurs (à confirmer après plusieurs parties, l’apprentissage n’étant pas le meilleur moment pour en juger, trop concentré que l’on est à tenter d’optimiser son propre jeu). Jouable de 1 à 4, le mode solo permet surtout la prise en main, et aussi de prendre sa dose dans l’attente d’autres joueurs motivés pas toujours faciles à réunir aussi souvent qu’on aimerait. Magnifiquement illustré par Ian O’Toole (pour un jeu de gestion-développement à l’allemande), ça ne gâche rien, le matériel est très beau et de qualité et les systèmes de rangement bien pensés.
Une raison supplémentaire pour alimenter mon engouement pour les jeux de Lacerda... J’ignore si on aura les moyens d’aller sur Mars pour la terraformer, en attendant ce jeu permet d’y projeter les rêves déjà pas mal nourris par la trilogie de Kim Stanley Robinson (que je recommande au passage chaudement à tous les amateurs de hard-sf et ceux qui n’auront pas peur de devoir s’accrocher, ça vaut largement la peine !). Encooooore !!!

Mars la rouge
Mars la rouge
Mars la verte
Mars la verte
Mars la bleue
Mars la bleue
Piqués au vif ?

 

 
  • samedi 15, double twist coupe-faim (un peu trop)
The Island
The Island

The Island, film de Michael Bay, 2005

Mmmmhh... Alors ça partait super bien. On se retrouve dans une sorte de complexe aseptisé, contrôlé et coupé de l’extérieur où sont réunis nous dit-on les survivants d’une contamination apocalyptique survenue seulement quelques années auparavant. Le seul espoir de sortir de ce huis-clos à l’ambiance oscillant entre Ira Levin et Orwell est « The Island », un lieu paradisiaque préservé où sont envoyés les heureux gagnants d’un tirage au sort. Là, ça commence à schlinguer encore plus =D Les p’tits vélos du ciboulot se mettent en route pour essayer de deviner ce qui se trame, sur fond de réflexion autour de la religion, de la croyance et de l’espoir. Miam. Premier twist qui nous fait passer de la « sf cérébrale » à la « sf action » très sympa... peu de temps... en effet, très vite tout devient tout jaune puis ça part en sucette... deuxième twist... ça tire ça explose ça s’en va dans tous les sens et... WTF ?!?!?! est-ce la prod’ qui a foutu son nez dans un super scénar pas assez grand$ public$ à son goût ? des changements de scénariste ou de réal en cours de production ? Que nenni... tout semblerait s’expliquer par « l’effet Michael Bay », patte apparemment reconnaissable, ou le non sens érigé au rang d’art pyrotechnique. J’avais vaguement entendu parler mais sans trop y croire ? Hey ben si, c’est possib’. Et là c’est colère de voir tout le potentiel d’une histoire qui démarrait bien et qui avait largement d’autres développement possibles et à mon sens beaucoup plus intéressants (et des tas de questionnements philosophiques et éthiques) s’effondrer puis sombrer. Bloupbloup.
Nanardesque, on a bien rigolé quand même. Faut bien se consoler.

 

 
  • dimanche 16, et de trois (petits sauts sur place)
Parasite B&W
Parasite B&W

Parasite B&W, film de Bong Joon-ho, 2019

Si deux visionnages me semblent largement nécessaires pour cerner les subtilités de ce film, un troisième ne serait sans doute pas de trop, même pour moi, ici, advenu trop tôt pour pleinement en profiter. Les souvenirs trop frais nuisent au plaisir de le redécouverte d’un film, sauf affect particulier.
Sinon, le noir et blanc vendu comme sublimant le cadre n’apporte, à mon sens, pas grand chose. Au contraire dirais-je, j’ai trouvé que la composition si m’a tant plu lors des deux premiers visionnages y perdait. La couleur... Au point de me demander si, parfois, le passage au noir et blanc ne relève pas plus d’une forme de snobisme que d’un apport artistique. Vaste sujet. Sinon pour le reste, ça a déjà été vu par là.

 

 
  • vendredi 21,
Fabien Verschaere, {La géographie du Totem}
Fabien Verschaere, {La géographie du Totem}

Fabien Verschaere, Vivien Roubaud, Dominique Blain, Mathieu Dufois, Centre de création contemporaine Olivier Debré, Tours, 2020

Quatre expo estivales pour cette première visite et donc découverte. Quatre espaces, chacun dédié à un artiste. D’abord une sculpture aérienne, le mouvement de l’air qui nous entoure, matérialisé par quatre infimes couches de bâche au gré de quatre bras motorisés, travail de Vivien Roubaud, Scalaire qui nous donne accès à sa démarche dans une salle attenante. D’un côté enivrant et poétique, j’aime en apprendre plus quant au processus de création. Cependant des explications trop poussées me donnent parfois l’impression de... brasser du vent (oui, c’était facile). N’empêche, beaucoup aimé.
Passage ensuite dans le « galerie noire », bien nommée, sur les murs de laquelle le travail coloré et tourmenté de Fabien Verschaere autour de la Géographie du totem ressort d’autant mieux. Voyage à travers la fabrique des mythologies personnelles, à un autre niveau de conscience (pi-ième porte au milieu entre rêves et chamanisme ?). Ça remue dans le limbique, ça brasse les tripes et l’enfance n’est pas loin... assez fan ! =D

Dominique Blain, {Déplacements}
Dominique Blain, {Déplacements}

Au premier, l’expo proposée par Dominique Blain, Déplacements, pose question autour du rôle de l’art dans les civilisations et des mesures prises pour protéger les œuvres alors que la barbarie est aux portes. Sculptures en creux, laissant un vide correspondant à une œuvre majeure disparue, impressions grands formats à partir de films et plaques de verre en négatif qui ont documenté la protection et le déplacement d’œuvres menacées aux moments des grandes guerres... Un grand format vertical montrant la grande galerie du Louvre murs à nu et cadres à terre, daté de 1939 m’a particulièrement impressionnée. Intérêt renforcé à la vue de son portfolio, qui me donne encore plus envie d’explorer le travail de cette artiste, tant il me semble remuer, sans en avoir l’air, des points essentiels en mêlant force et subtilité.
Enfin, quelques images extraites d’un film d’animation à la pierre noire de Mathieu Dufois, Dans l’ombre le monde commence, autour des thèmes de l’ombre donc, à mon sens passionnant, ici un peu trop fat à mon goût.
Dans l’ensemble de très belles découvertes. Juste un regret au niveau de la scénographie : lumières assez catastrophiques, c’est toujours rageant d’avoir à gérer les ombres portées pour pouvoir profiter correctement d’une œuvre ou tout simplement lire le cartouche qui l’accompagne (et je ne fais pas 2,12m)...

 

La femme des steppes, le flic et l'oeuf Öndög
La femme des steppes, le flic et l’oeuf Öndög

La femme des steppes, le flic et l’œuf Öndög, film de Wang Quan’an, 2020

Une réalisation simple pour ce film mongole, parfois maladroite, mais qui touche l’essentiel. Une fable drôle, inquiétante, tendre, poétique, puis forcément universelle. Le seul moyen de survivre pour ce petit bout de chair qu’est l’être humain face à la rudesse et à la beauté brute du monde. Si vous aimez les grands espaces et la contemplation à laquelle ils invitent, laissez-vous tenter !!

 

 
  • mardi 25, et de trois (pas en avant)
Terremer | L'Ultime rivage
Terremer | L’Ultime rivage

L’Ultime rivage, roman d’Ursula Le Guin, 1972, 2018 pour la présente édition intégrale, dans la traduction de Philippe R. Hupp et Françoise Maillet, harmonisée par Patrick Dusoulier

Finir cette première trilogie de Terremer donc, tant la découverte de son monde m’emmène faire un beau et profond voyage, bien que rarement encline à la fantasy, rompant ainsi un peu avec mes habitudes, lectures de vacances... puisque je n’arrive pas à refermer le recueil =)
Toujours portés par la plume agréable et précise, c’est au cœur des ténèbres que nous nous rendons ici et maintenant avec nos deux protagonistes, chacun probablement à l’extrémité (inverse) de son arc narratif, pour essayer de comprendre pourquoi la magie, partout dans Terremer, disparaît, et tenter d’y remédier. Ursula Le Guin aborde ici sans détour les thèmes de la drogue et de l’addiction — cités ouvertement dans la postface —, le voyage qu’elle nous permet d’entreprendre va cependant, à ma lecture en tous cas, beaucoup plus loin : présence et prise de conscience de la mort, comme état naturel complémentaire de la vie, mais aussi du néant, la désolation qui sert de décor ressemble fort aux paysages de la dépression et du deuil. Des profondeurs, quelles qu’elles soient, dont il ne sera pas si évident de revenir. Une expérience qui assurément renforce ceux qui n’y succombent pas. Réflexion sur la finitude et ode à la vie, bien sûr.
Je comprends vraiment de plus en plus (même si j’avais peu de raisons de douter), au gré de mes lectures, le culte respectueux que ceux qui l’ont lue vouent à Ursula Le Guin. Du grand art, et une grande et belle humanité, pleine d’intelligence. Respiration avant d’attaquer la suite, me disant que l’attente ne pourra qu’intensifier encore le plaisir.

 

 
  • dimanche 30,
L'effet papillon
L’effet papillon

L’effet papillon, film de Eric Bress et J. Mackye Gruber, 2004

(Précision technique, ce film existant avec trois fins différentes : vu la version voulue par le réalisateur.)
Teen movie très sympa qui aborde sans détour les questions de la responsabilité, de la culpabilité et du regret, en poussant un certain raisonnement (dans un monde centré tout entier sur notre héros) jusqu’à l’absurde et la néantisation du soi. Une écriture bien fichue même si pas toujours très subtile, qui me laisse alors un arrière-goût métallique : ce que je lis, moi, comme raisonnement poussé à l’absurde, semble finalement rester une question ouverte, intéressant lieu de débats si le « message » ne pouvait être lu et interprété comme son exact inverse, à moins que je sois passée à côté d’un retournement très « méta » à propos des questions sus-mentionnées. Un film qui à mon sens mérite néanmoins largement le visionnage (de cette version), au moins pour l’expérience proposée et l’éventuelle discussion qui le suivra =)

 

 
  • lundi 31,
Tenet
Tenet

Tenet, film de Christopher Nolan, 2020

Habituellement (très) bonne cliente de Nolan, j’ai adoré Memento, Insomnia, beaucoup aimé Interstellar, Le Prestige, Inception, Dunkerque ou Le suiveur et sa trilogie Batman reste parmi mes essentiels quand je veux me détendre avec du film de justicier pas trop con. Que ce soit la prouesse d’écriture et de montage d’un thriller sans mémoire, les poupées gigognes de rêves encapsulés, la tentative de visualisation d’un monde en quatre dimensions ou les atmosphères bien particulières des expériences proposées au motif d’un jour continu ou de la simple et immersive quête de survie, chaque film représentait jusqu’ici quasi systématiquement autant de recherches formelles au service d’un propos, d’une histoire, et finalement d’une représentation du monde invitant en général à pas mal de réflexion(s) chez moi bienvenues. Au niveau de la recherche formelle, un film palindrome avait donc largement de quoi mettre en appétit, surtout en essayant d’imaginer toutes les conséquences narratives d’un tel dispositif. Et en effet, au niveau du découpage scénaristique il me faut reconnaître que pas mal de petites choses sont réellement bien pensées, et vraiment intéressantes. Malheureusement, elles restent trop minoritaires à mon goût face à ce gloubiboulga avant/arrière qui, s’il devait s’avérer être un défi stimulant à l’écriture du film, devient un gimmick indigeste pour le spectateur, qui finira par lâcher l’affaire et s’en foutre à force d’essayer de suivre qui fait quoi dans quel sens. Même moi qui aime pourtant ce type de défi à la logique ai fini par laisser tomber, y compris l’incrédulité qui n’était plus assez suspendue pour y trouver du plaisir. À trop vouloir compliquer les choses, non contente de ne fondamentalement rien lui apporter, l’expérience formelle en arrive à nuire à l’histoire. Et la stimulation intellectuelle toute « Nolanienne » s’apparente à un pétard mouillé qui fout mal au crâne. On pourrait y voir un hommage au film d’espionnage... si l’on souhaite s’emmerder pendant deux heures et demie avec un mauvais James Bond aux dialogues à chier (ben oui, faut bien essayer d’expliquer deux-trois trucs au spectateur pour qu’il tente d’accrocher à la pseudo intrigue grâce à quelques dialogues aussi subtils qu’une notice de magnétoscope et quelques arguments d’autorité — cherche pas à comprendre, mon personnage a un master en physique donc il a raison —, et c’est là d’une indigence assez crasse). Tout ça finalement pour nous asséner un message du type « ce qui est fait est fait, on ne peut retourner en arrière, reste seulement à désamorcer, chacun à son niveau, jour après jour, les petites bombes du quotidien, ne faisant pas de nous des héros, mais nous permettant, au moins, de continuer à vivre ».
Mouais.
À mon sens le coup de génie d’un auteur tient à l’adéquation de l’esthétique et de la recherche formelle au propos qu’il soutient, au questionnement qu’il explore. C’est pour cette raison principalement que j’ai aimé les films de Nolan cités plus haut. Ce film était pour moi une coquille vide sans queue ni tête. Un (g)âchis entre snobisme et foutage de gueule ? Le plus rageant étant sans doute l’impression qu’il tenait une idée dont la concrétisation s’est foirée à un moment, rançon du sensationnalisme, d’une cupidité ou d’un narcissisme, alors qu’initialement, traité peut-être avec un peu plus d’honnêteté ou de sincérité, ça aurait pu donner quelque chose de réellement marquant. Pffffffffffffffffffffft...
Reste un film assez divertissant tout de même (si l’on fait abstraction de l’action et des dialogues), mais pour moi bien loin de la perle à laquelle on pouvait s’attendre de sa part. Vivement le prochain. Si si, j’essaie d’y croire encore.

 

Première mise en ligne 19 août 2020, dernière modification le 15 décembre 2020

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