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Journal | Janvier 2021

 
  • vendredi 1er,
Le portrait
Le portrait

Le portrait, roman graphique d’Edmond Baudoin, 1997, L’Association

Entre réflexions au départ d’expériences personnelles et auto-fiction qui caractérise le style narratif de Baudoin, et sans doute participe de l’extrême sensibilité et poésie de ce qu’il en ressort, la quête ultime et subtile du dessinateur : capturer, un fugace instant et pour toujours, la vie dans un trait.

 

Solaris
Solaris

Solaris, film d’Andreï Tarkovski, 1972

Les scientifiques d’une station spatiale pensent étudier la planète Solaris, à moins qu’ils ne soient eux-mêmes sujets de ses expériences, à elle... Une fois encore [1] le physicien et le philosophe s’opposent entre science et conscience. « Nous ne savons que faire d’un autre monde, nous avons juste besoin d’un miroir », le Miroir que l’on retrouvera par ailleurs en 1975, son film suivant.
« Les anciens s’y prenaient mieux que nous pour comprendre le cosmos : ils ne demandaient ni pourquoi, ni comment. » « Ne pas connaître le jour de sa mort, c’est être presque immortel. » [2]
Souvent considéré comme une réponse à 2001 et sa quête du surhumain par le savoir et la technologie (en oubliant, j’ai l’impression et en tous cas dans mon interprétation, que le nouveau niveau d’évolution de l’humanité n’apparaît finalement qu’après avoir choisi de tuer la machine, renoncé à une conquête vers l’extérieur, avant de pouvoir accéder par d’autres dimensions à une intériorité nouvelle), Solaris explore dans tous les cas des champs similaires avec sa propre esthétique, ce qui fait toute la richesse du cinéma, et de l’art plus généralement.
Tarkovski, c’est lent, c’est contemplatif, hypnotique et transcendant. C’est faire face à l’infini du dehors et surtout du dedans, sobrement. Oui parfois ça peut sembler chiant. Mais qu’est ce que c’est beau... Une poésie qui demande éventuellement quelques efforts, mais quelle expérience !

 

Les fraises sauvages
Les fraises sauvages

Les fraises sauvages, film d’Ingmar Bergman, 1957

À la recherche du temps perdu ? Une certitude : vous ne perdrez pas le vôtre en vous plongeant dans la poésie de ce « road-trip » au carrefour des âges et des saisons.
Autre chef d’œuvre de « l’annus mirabilis » de Bergman, 1957, juste après avoir signé Le septième sceau, les questions métaphysiques sont à l’honneur, et à mon sens merveilleusement bien exposées (mais je ne crois pas être la seule à penser ça ^^). En bonus, la célèbre ou au moins remarquable scène de rêve qui, en quelques images et symboles, concentre bien des sentiments...
Posologie régulière encouragée =)

 

2001:A Space Odyssey
2001:A Space Odyssey

2001:A Space Odyssey, film de Stanley Kubrick, 1968

Je vous ai déjà dit que j’aimais bien Kubrick ? je sais plus...
 
Quoi !? Pire programme pour commencer l’année, non ?!
Comment ça « encore » ?! Oui, et alors ?!! Au moins une fois par an ça me semble la base.
Pfff... seuls les vrais de vrai savent ;)

 

 
  • dimanche 3,
Profils paysans I : L'approche
Profils paysans I : L’approche
Profils paysans II : Le quotidien
Profils paysans II : Le quotidien
Profils paysans III : La vie moderne
Profils paysans III : La vie moderne

Profils paysans, série documentaire de Raymond Depardon et Claudine Nougaret, resp. 2001,2005 et 2008

Gros casse-croûte. Gros travail aussi. L’immersion sur presque une décennie dans la vie de paysans, à cheval sur les années 90 et 2000. Documents précieux, et pourtant je continue à avoir du mal avec l’approche de Depardon, en questions face caméra et voix-off, pour moi à la limite presque de la violence, un équilibre qui tient de la gageure, un tour de force. En tous cas, une intrusion à opérer, une fois dans sa vie, en prenant le temps qu’il faut, se faire récipiendaire et transmetteur du témoignage fragile de notre histoire invisible.

 

L'éloge de la poussière
L’éloge de la poussière

L’éloge de la poussière, roman graphique d’Edmond Baudoin, 1997, L’Association

Un récit de ces petits riens, toutes ces petites choses qui nous glissent entre les doigts, et font tout le sel de la vie. On continue le voyage avec Baudoin (en attendant le Voyage de Baudoin, ça viendra) en Poésie.
 

 

 
  • lundi 4,
Les essuie-glaces
Les essuie-glaces

Les essuie-glaces, roman graphique d’Edmond Baudoin, 2005, Dupuis, coll. Aire Libre

À l’heure du départ après avoir vécu trois ans au Québec, le dernier tour de piste avec les amis, les amours, les paysages d’une tranche de vie qui se « tourne », d’une infinie tendresse. Et à nouveau l’envie qui point de prendre un aller simple en direction de la Belle Province.

 

 
  • mardi 5,
L'histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler
L’histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler

L’histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, roman de Luis Sepúlveda, illustrations de Miles Hyman, traduction d’Anne-Marie Métailié, 1996, Métailié-Seuil

Fable bien agréable sur l’entraide (et inter-espèces en plus !). Comme quoi on a bien des choses à apprendre, des chats, des mouettes et bien d’autres encore...

 

 
  • vendredi 8,
Titicut Follies
Titicut Follies

Titicut Follies, film documentaire de Frederick Wiseman, 1967

Premier film de Wiseman. Immersion dans l’hôpital pour aliénés criminels de Bridgewater (Massachusetts). Profondément dérangeant, profondément humain (dans ses aspects organiques, psychologiques, économiques, sociaux, moraux, positifs comme négatifs), révélateurs d’un manque scandaleux de moyens malgré la dévotion, révélateurs aussi du jeu social induit par le décor.
Un acte politique qui, à l’époque, a permis une certaine prise de conscience et quelques déblocages de fonds, aujourd’hui devenu témoignage d’une époque pas si révolue...
Et Wiseman arrive déjà avec maestria à y inclure humour et humanité. Chapeau l’artiste.

 

Piero
Piero

Piero, roman graphique d’Edmond Baudoin, 1998, Gallimard

L’histoire d’une fratrie, d’un petit frère, leur histoire à eux et ce qu’elle a de constitutif pour sa vie à lui... celui qui devait être comptable et qui deviendra artiste. Le poids des choix en amont de soi, les attentes familiales, sociales... parcours sinueux d’un dessinateur, cri d’amour à un frère.
 

 

 
  • samedi 9,
Easy Rider
Easy Rider

Easy Rider, film de Dennis Hopper, 1969

Voyage initiatique. Constat amer du sort réservé à ceux qui pensent autrement. Est-ce que je choisis de croire que l’esprit général s’est un peu élevé et ouvert et que nous accueillons plus généreusement ce qui nous est étranger, nous dérange et ce que ne comprenons pas ? Peut-être est-ce préférable...

 

 
  • samedi 23,
Les Habitants
Les Habitants

Les Habitants, film documentaire de Raymond Depardon et Claudine Nougaret, 2016

Pour moi dispositif intéressant, mais constat amer et étrange d’un décalage abyssal avec les problématiques de ces habitants rencontrés au gré des hasards, « représentatifs » de la population du pays où je vis, et dont je me sens, pour le coup et la grande majorité du temps, sans doute exclue. Sans aucun jugement de valeurs bien sûr ; juste une « comparaison émotionnelle ». L’occasion, justement, de rencontrer une altérité quasi-complète, agréable ou désagréable. Mais qu’il est déroutant de ne trouver aucun écho.

 

 
  • dimanche 24,
Bandits, bandits Time Bandits
Bandits, bandits Time Bandits

Bandits, bandits Time Bandits, film de Terry Gilliam, 1981

Un « Terry Gilliam », ok. Pas le meilleur cependant (loin de là)... Divertissant pour un dimanche matin =)

 

 
  • samedi 30,
Couleur de peau : miel
Couleur de peau : miel

Couleur de peau : miel, film de Jung et Laurent Boileau, 2012

Entre film d’animation, témoignage et film documentaire, Jung retrace son histoire, pour lui autant que pour nous et tous ceux qui, comme lui, sont arrivés un jour en provenance d’un ailleurs lointain et ont rencontré leurs « nouveaux parents » dans un hall d’aéroport après les premières années d’une histoire déjà bien chargée.
Par ce positionnement très particulier de témoin et auteur, Jung nous offre des clés pour mieux comprendre et ressentir une expérience qu’on n’a pas forcément vécue. Précieux partage.
Très beau, très sensible et subtil.

 

 
  • dimanche 31,
Un lieu à soi A Room of One's Own
Un lieu à soi A Room of One’s Own

Un lieu à soi A Room of One’s Own, conférences de Virginia Woolf, 1928, 2016 pour la présente édition dans la traduction de Marie Darrieussecq, Denoël

Lecture depuis longtemps désirée, sans savoir à quoi m’attendre à part à un « chef d’œuvre de la littérature féministe » à ce que mes oreilles (et la quatrième de couv) m’avaient plusieurs fois rapporté.
Bon...
Comme quoi l’interprétation d’un texte, en l’occurrence ici deux textes issus de conférences sur « la fiction et les femmes », dépend de bien nombreux paramètres.
À la fois amusée par la malice de l’écriture, ennuyée par le déroulé de l’argumentation — avant la p.160 à peu près, c’est surtout par la surprise que j’ai été cueillie : ce n’est pour moi pas de féminisme dont il s’agit, mais du lien entre la création (au sens large) et la précarisation, thème ô combien actuel, écrit en 1928, presque un siècle...
Il se trouve en effet que les femmes sont plus particulièrement en situation précaire dans nos sociétés. Mais elles n’ont en aucun cas l’exclusivité ; ne l’avaient pas à l’époque, et de moins en moins dirais-je aujourd’hui, signe peut-être d’une plus grande égalité de genres au gré d’un nivellement par le bas ?
Le propos principal (Attention : spoiler !) étant que pour pouvoir créer, plutôt pour qu’une personne qui souhaite se vouer (ou subit une vocation) à la création puisse effectivement créer, il lui faut réunir deux éléments : « disposer d’une rente de deux cents livres et d’un lieu à soi qui ferme à clé ». Autrement dit, pour permettre à une personne d’exprimer son élan créatif, il faut lui laisser une disponibilité d’esprit suffisante. Que son activité soit reconnue comme telle, respectée et respectable. Ne pas avoir à souffrir de soucis sur sa propre subsistance, ne pas avoir à cumuler emploi et travail, ni à l’opposé devoir sa subsistance à l’aumône de quelque allocation permettant juste de garder la tête hors de l’eau écrasée du sentiment d’être un « poids pour la société », « non productif », « bon à rien ». Ne pas avoir à souffrir de la confusion entre travailler chez soi et être disponible à tout moment, puisque sur place pour s’occuper des enfants, du ménage, de la cuisine, répondre au moindre coup de sonnette importun et toutes ces choses dont les personnes respectables qui travaillent à l’extérieur ne peuvent pas se charger, parce qu’elles ont un vrai travail, elles. Pouvoir, en fait, bénéficier de la même considération sociale que toute personne qui occupe ses journées de façon honnête, la même respectabilité, le même respect, un peu de reconnaissance...
Une thématique qui m’intéresse, c’est vrai. Mais pas que moi. Encore une fois, combien de créateurs, faiseurs de monde, expérimentateurs de sociétés nouvelles dont le temps, l’intelligence et l’énergie aident d’une façon ou d’une autre à réinventer ou réenchanter le monde qui subissent le mépris dont témoigne la précarité de plus en plus généralisée ?
Le féminisme est un corollaire, comme chacune des réactions à toutes les manifestations discriminatoires qui permettent à quelques uns de « justifier » le mépris.
Moi je vois là une formidable introduction à l’expression des inégalités reposant sur ces discriminations... empêchant chaque individu de pouvoir s’épanouir en exprimant librement ses talents, quand « une rente de deux cents livres et d’un lieu à soi qui ferme à clé » suffiraient.
Au-delà du féminisme, un texte en faveur de ce que l’on appellerait aujourd’hui une forme de salaire à vie visant à limiter encore un peu plus les inégalités et à contribuer à l’épanouissement de chaque individu pour le bienfait de l’ensemble, dans une société où le « monde du travail » et l’économie sont en pleine mutation et où on aurait bien besoin justement que chacun puisse exprimer sa créativité plutôt que de se voir obligé de passer ses journées à singer des machines...

 

Black Swan
Black Swan

Black Swan, film de Darren Aronofsky, 2010

L’histoire d’un petit cygne blanc auquel l’image maternelle rogne soigneusement les ailes pour qu’il reste sagement sur son étang et transforme une génération plus tard les échecs en réussite. L’histoire d’une tentative d’émancipation alors que les murs sont solides et épais. Un équilibre nécessaire entre le blanc et le noir, le yin et le yang, l’élan naturel et les attentes extérieures. L’évasion à tout prix...
Beaucoup de thématiques abordées, formellement très travaillé, langage symbolique largement à l’appui, Aronovsky quoi. =) Bien aimé.

 

[1voir Stalker, 1979

[2Citations reprises à l’analyse de Sergent_Pepper sur SensCritique : https://www.senscritique.com/film/Solaris/critique/25309778

Première mise en ligne 30 janvier 2021, dernière modification le 26 mars 2021

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