Vous êtes ici : Accueil > Lu, vu, entendu, visité > Journal | Avril 2023

Journal | Avril 2023

 
  • dimanche 2,
Ailleurs si j'y suis
Ailleurs si j’y suis

Ailleurs si j’y suis, film de François Pirot, 2023

Ailleurs si j’y suis, le cas typique du film vendu vraisemblablement par une agence marketing pour tout autre chose que ce qu’il est. Tant par son affiche que par sa bande-annonce (oui, pour une fois j’ai regardé la bande-annonce), je m’attendais à une comédie assez fine sur le désir de tout plaquer et le besoin du retour à l’essentiel, à la fois réellement essentiel et très à la mode en ce moment (d’ici qu’on nous vende des packs de « retour à l’essentiel », y’a pas des kilomètres, si ce n’est déjà fait). Énième critique de la faillite de notre société et personnages faisant ce qu’ils peuvent pour y faire face, y compris la fuite. Et effectivement, si le début du film s’oriente un peu dans ce sens, avec des personnages aux prises avec l’absurdité de leurs boulots, des difficultés financières, des problèmes de couple et des grandes questions de l’existence, jusqu’au point où le personnage principal craque et va s’installer non loin de chez lui, dans la forêt, il vire ensuite au drame psychologique, ou tout au moins à la comédie dramatique psychologique, avec quelques blagues que j’ai trouvées effectivement assez fines. Un film d’apprentissage tardif où les personnages que nous accompagnons doivent affronter leurs peurs pour grandir. C’est le chemin vers le moment où ils seront prêts à les affronter que l’on suit avec eux. Car, c’est là je crois ce que propose le film, cette forêt onirique, primale, où l’on chante de concert avec les oiseaux, ce refuge intérieur au plus profond des méandres de nos émotions a-t-il un autre rôle, dans la fuite protectrice, que de nous abriter le temps que nous nous préparions ? Le refuge dans le rêve, l’immobilité, l’oisiveté peut-être, n’est-il pas en fait une étape fondamentale de préparation à autre chose ? Le temps nécessaire, différent pour chacun. Ainsi, l’ado attardé se prépare à accepter les responsabilités de la paternité, l’entrepreneur-businessman, à accepter de lâcher son statut et ses responsabilités pour une vie de retraité attentionné, l’ado perdue face à son avenir, à repartir au front après une seule nuit dans le giron protecteur de son enfance (c’est elle la plus rapide !), l’épouse bientôt divorcée et ivre d’une nouvelle liberté, à affronter ses problèmes de couple, de même que notre héros, qui aura dans le même temps aussi appris à dire « non ». Ceux qui n’y parviennent pas restent chez maman à alimenter de grands rêves de voyages lointains. Le refuge, le rêve, l’inconscient, la fuite comme étapes nécessaires, mais étapes seulement. Et je trouve le propos particulièrement intéressant. À rapprocher peut-être de Mon oncle d’Amérique vu récemment, s’inspirant justement des travaux de Laborit sur l’éloge de la fuite ?
Affronter sa peur de passer toute une nuit, tout seul, au cœur de cette forêt angoissante pour certains, régénératrice et salvatrice pour d’autres, se prouver sa force avant d’affronter cette peur qui nous arrête.
La question qui reste cependant en suspens, et me gratte un peu aux entournures, personnellement, est celle de l’objet de ce que l’on affronte... pas un changement de statut social, des peurs d’avancer dans la vie, d’endosser de nouvelles responsabilités, ça c’est assez universel, mais faut-il pour autant tout accepter ? Il est question ici de se préparer à accepter notre réalité, mais sans aucunement penser à adapter cette réalité pour la rendre plus acceptable. Faut-il donc accepter un mode de vie absurde et délétère plutôt que d’essayer de le rendre enviable ? Choix de vie et choix social. À mon sens le temps du rêve est beaucoup plus riche qu’une simple alternative entre étape d’acceptation de la réalité telle qu’elle se présente, ou val sans retour d’une vie imaginaire et immobile. Il y a là un gros problème philosophique à mon point de vue. Peut-on et doit-on tout accepter ?
Tiens, ça me donne envie de revoir Brazil !

 

 
  • mardi 11,
La Tour de Garde | Capitale du Sud-2 : Trois lucioles
La Tour de Garde | Capitale du Sud-2 : Trois lucioles

La Tour de Garde | Capitale du Sud-2 : Trois lucioles, roman de Guillaume Chamanadjian, Aux Forges de Vulcain, 2022

Retour à La Tour de Garde, très beau projet éditorial dans lequel je me suis plongée l’an dernier (voir Trou spatio-temporel, septembre et octobre). Les choses se précisent, et ce que je trouvais éventuellement enfantin dans les premiers tomes disparaît totalement — c’est le moins qu’on puisse dire — pour céder petit à petit la place à ce qui s’annonce de plus en plus comme un grand cycle de littérature fantasy et d’aventure, de littérature tout court. L’écriture de Chamanadjian incline à la voracité et les pages se tournent d’elles-mêmes. Le mystère s’épaissit, tout comme la brume... Vite , vite !! où en sont-ils dans le Nord ???

 

 
  • mardi 18,
The Wire Saison 5
The Wire Saison 5

The Wire Saison 5, série de David Simon, 5 saisons, 2002-2008

En y posant la question du mensonge (à toute les strates), cette cinquième et dernière saison ajoute aux autres briques de ce colossal portrait de Baltimore et ses habitants celle de la presse, trame supplémentaire qui se noue à la fois à la police, à la justice, à la criminalité, à la politique, à la finance, à la rue, balayant ainsi tous les aspects sociaux et tous les enjeux de cette monstrueuse machine, Baltimore, à la fois terrifiante dans la capacité à broyer, tissu complexe en un piège mortel, pourtant aimée, tissu social riche, humain, véritable foyer. « Home ». Un chef d’œuvre.
Ne restez pas sur la première ou même la deuxième saison. Poursuivez !!! Vous ne le regretterez probablement pas. (Dans mon Top 10 des séries, juste en-dessous de Treme).

 

 
  • vendredi 21,
Bienvenue Mr. Chance (Being There)
Bienvenue Mr. Chance (Being There)

Bienvenue Mr. Chance (Being There), film de Hal Ashby, 1979

Intriguée lors du visionnage de Emprire of Light par le film cité, lors de la séance privée proposée par le projectionniste, j’ai pu finalement mettre la main sur Being There, Bienvenue, Mr. Chance en français, pépite cinématographique d’Hal Ashby, réalisateur déjà croisé avec Harold et Maude, vu en avril dernier, et dernier film sorti du vivant de Peter Sellers, qui y incarne un extraordinaire Mr. Chance, simple jardinier qui, contraint de quitter l’Eden naïf qu’il a toujours connu, se retrouve au gré des hasards (?) propulsé dans le Saint des saints du pouvoir états-unien au l’aube des années 80.
Film sous forme à la fois de conte philosophique, parabole et satyre politique, il y traite avec la plus grande subtilité du rapport aux apparences, à la représentation que nous nous faisons de l’autre et de ce que nous projetons sur lui, des questions raciales et des plafonds de verre qui empêchent une représentation dans toutes les couches sociales, des manipulations médiatiques, économiques et politiques des hautes sphères, de la vie et de la mort, de l’amitié et de l’amour, de la sincérité face à la superficialité creuse de l’arrivisme, de la façon d’être au monde, d’être présent pour ce(ux) qui compte(nt), de l’espoir, et aussi de l’instrumentalisation. Des choses auxquelles on croit, ou on aimerait bien croire. Des croyances dont on se méfie, dont on se moque, le spectateur ayant le rôle facile de celui qui sait et ne se fera pas abuser, à moins que... ?
Tout comme Harold et Maude, ce Being There a un petit côté décalé, plein de poésie, et avec je trouve encore plus de profondeur et de niveaux de lecture. Un bijou ! (et vous l’aurez compris un gros coup de cœur)

 

 
  • samedi 22,
La plus secrète mémoire des hommes
La plus secrète mémoire des hommes

La plus secrète mémoire des hommes, roman de Mohamed Mbougar Sarr, 2021, 2022 pour sa présente édition, lue par Olivier Dote Doevi, chez Audiolib

Pas réussi à trouver d’image sans le bandeau « Goncourt 2021 », qui représente peut-être effectivement plus d’un tiers de l’argument de vente... bon, passons. Repéré depuis quelques mois, par une curiosité spontanée, je me suis plongée dans l’écoute de ce roman avec grand plaisir. L’écriture, superbe, la voix, envoutante, le rythme... il y est (entre autres !) question de l’initiation d’un jeune auteur, d’un roman mystérieux, de littérature en général, de la profondeur fractale de l’histoire constituant chaque individu, de valeurs et de son positionnement vis-à-vis de celles-ci, de colonialisme, de tout un tas d’autres choses tant il s’agit d’un roman-monde, construit autour d’un labyrinthe que les héros n’ont de cesse d’arpenter. Malheureusement au bout d’un moment, j’ai trouvé que l’auteur finissait par se perdre lui-même dans son labyrinthe, et que la langue parfois tant travaillée qu’elle en devenait ronflante servait une coquille finalement de plus en plus creuse. La créature a dévoré son créateur, et la grenouille qui voulait se faire aussi grosse qu’un bœuf a éclaté. Dommage car sans ces dérapages l’œuvre aurait pu marquer à long terme. Reste cependant une lecture très intéressante, et avec un ou deux paracétamol, un bon moment malgré tout.

 

 
  • dimanche 23,
Crise (Kris)
Crise (Kris)

Crise (Kris), film d’Ingmar Bergman, 1946

La plupart des thèmes sont déjà là, pour le reste, ça viendra ! Il aurait été scandaleux et probablement infertile que ce premier film soit un chef d’œuvre, déjà. Là ça va, y’a de la marge ;)

 

 
  • mardi 25,
La Tour de Garde | Capitale du Nord-2 : Mort aux geais !
La Tour de Garde | Capitale du Nord-2 : Mort aux geais !

La Tour de Garde | Capitale du Nord-2 : Mort aux geais !, roman de Claire Duvivier, Aux Forges de Vulcain, 2022

... eh bien dans le Nord, les aventures, mésaventures et tentatives d’y voir plus clair font courir nos héros en tous sens, les péripéties sont nombreuses, une machine monstrueuse fait son apparition lors de passages brillamment écrits par Claire Duvivier, bien que cet opus m’a paru en très léger recul par rapport aux précédents — il ne doit pas être facile, pour ne pas dire épuisant, de tenir une histoire aussi haletante et aux trames tellement imbriquées à un tel rythme !! Ce qui devait être fait l’a été, les choses se précisent et les rangs se resserrent pour le volet final, qui répondra, on l’espère ! à toutes les questions posées et tous les mystères encore loin d’être pour nous éclaircis. Encoooore !!!

 

 
  • vendredi 28,
L'Heure du loup (Vargtimmen)
L’Heure du loup (Vargtimmen)

L’Heure du loup (Vargtimmen), film d’Ingmar Bergman, 1968

Chronique onirique (ou plutôt cauchemardesque) d’un artiste insomniaque morcelé qui vit ses terreurs aux petites heures de la nuit, l’enfance meurtrie, le miroir, forcément brisé, les démons, être aimer, aimer, mourir, ne plus réussir à créer. En décor, l’éternel théâtre de marionnettes, les couloirs labyrinthiques, les guides archétypiques d’un homme perdu. Bergman essaie-t-il de nous montrer ici sa propre forêt intérieure, peu engageante, de laquelle Liv Ulmann tente, comme elle le peut, de le sortir ? Au-delà des liens faciles avec Le septième sceau ou Les fraises sauvages, un petit air de (...) Marienbad, de Fellini aussi, en plus soft, la définition d’une réalité au prisme du rêve. Passer les premières minutes, fermement chiantes (sûrement à dessein), le reste est un régal.

 

Première mise en ligne 21 avril 2023, dernière modification le 10 mai 2023

LR CC by-nd

La discussion est ouverte !

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
[Se connecter]
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.